- XXV –
Rien n'est fini.
Une tignasse brune en pagaille des sourcils drus froncés. Inutile de préciser que Jean-Baptiste semblait perplexe. Assit dans le vieux canapé élimé de son ami, il regardait ce dernier faire des allers-retours depuis cinq bonnes minutes.
Une bière à la main, ses yeux suivaient le blond dans ses allées et venues. Devant lui, sur la table basse était posé un pack de bière, des cacahuètes mais aussi une tapette à souris, un tournevis, un gros rouleau de chatterton, un marteau, des clous… Des objets pour le moins insolites qui n’ont apriori rien à faire sur une table basse mais que Manu a posé là car il les a trouvé traînant sur son chemin.
La vérité c’est que le blond est totalement paniqué à l’idée qu’un bébé allait s’introduire dans leur petit quotidien.
En effet, Sandrine allait quitter la maternité ce jour et allait donc pénétrer en ces lieux avec Guillaume maintenant âgé de quatre jours. Les garçons n’avaient eut donc qu’à peine trois jours pour aménager un tant soit peu la maison qu’avait trouvé Manu.
Brève description des lieux : une maison comprenant un étage plus un grenier et un sous-sol. Le premier étage comportait trois chambres et une salle de bain et avait été réservé à Sandrine et Guillaume. La troisième pièce ayant été aménagée comme une chambre d’ami. Manu lui, avait décidé d’investir le grenier et il disposait ainsi d’une large surface rien qu’à lui. Le rez-de-chaussée était composé d’une cuisine et d’une salle à manger salon. Le sous-sol quant à lui avait été aménagé par JB qui en avait transformé une partie en véritable mini-studio. Il y avait passé presque la totalité des trois jours à faire les cloisons et tout bien isoler, tout en sachant qu’il avait cours certaines heures de la journée, pendant que Manu s’occupait d’aménager le reste de la maison.
Le travail n’était pas tout à fait fini, m’enfin, il ne restait plus beaucoup de carton. Au moins, les chambres, et surtout celle de Guillaume, étaient prêtes. Marc allait arriver d’une minute à l’autre après avoir récupérer la jeune maman et son bébé à la maternité et Manu stressait comme s’il avait à prononcer un discours devant des milliers de personnes.
- Bon Manu, t’as finis ton manège ?! s’exclama soudainement Jean-Baptiste à l’énième passage du blond On est sensé prendre une pause là ! Marc et Sandrine vont bientôt arriver alors soit pas tendu comme un string !
- Mais justement ils arrivent ! fit Manu plus stressé que jamais Et je viens de retrouver des clous ! Et on a totalement oublié de calfeutrer les prises électriques, et regarde, là-haut, dans le coin, y’a des fils électriques qui dépassent !
- Nan mais attend, tu crois que Guillaume ça va être Gargantua ? Qu’il va te toucher les fils au plafond ? Manu, il a quatre jours ! Il sait même pas ramper au sol alors c’est bon t’as largement le temps de ranger tout ce bazar !
- Mais !
- Y’a pas de mais, tu prends une bière et tu t’assois ! répondit JB, joignant le geste à la parole et poussant Manu sur le divan après lui avoir collé une bière dans la main pour l’occuper
Mais il en fallait plus pour Manu et bien qu’il restait dans le sofa, sa nervosité avait engagé un concert de castagnette entre ses genoux alors que Manu tapotait frénétique du pied au sol. Le canapé en tremblait et un rugissement fondit l’air alors que JB semblait être prêt à lui sauter dessus. Mais il n’en eu pas l’occasion alors que la porte d’entrée venait de s’ouvrir avec fracas.
- C’est nouuuus ! tonna la voix de Sandrine Woa c’est chouette ici ! continua-t-elle alors qu’elle s’était mise à tourner sur elle-même pour regarder autour T’as bien choisi Manu, je sens que je vais adorer être ici !
Se jetant dans le canapé, elle s’était carrément allongée sur les deux garçons.
- Hey j’ai soif ! ajouta-t-elle tout en souriant à JB
- Non mais, tu te prends pour qui là, grosse vache ?! fit le brun tout en virant les jambes de la jeune femme posées sur ses genoux Va te chercher à boire toute seule, ch’uis pas ton boy !
- Mais, sois plus gentil avec moi ! répliqua la jeune femme tout en s’asseyant correctement entre ses deux amis T’avais qu’à mettre autre chose que de la bière sur cette table et ne me dis pas que c’est Manu qui l’a mise là, il est bien trop en panique depuis que j’ai accouché !
- Espèce de…
- Hey Jean-Baptiste, tu te calme ? Viens plutôt m’aider, j’en ai plein les mains moi ! T’abuse Sandrine quand même !
- Mais, je voulais voir la maison moi !
A l’encadrement de la porte, se tenait Marc, le cosi avec Guillaume dans une main et l’énorme sac de Sandrine dans l’autre. Un sourire aux lèvres, il fixait ses amis.
Grognant un peu, JB se leva pour aller l’aider tandis que Sandrine se blottissait contre Manu.
- Aller c’est bon, déstresse chéri, on est là, tout va bien se passer ! Sache que je suis vraiment très heureuse d’être ici avec toi et je sais que tout ira bien !
Elle plaqua alors un baiser sur la joue du blond et se précipita vers JB qui s’était mis à beugler comme un porc alors qu’il avait soulevé Guillaume au dessus de sa tête et que ce dernier lui avait vomi à la figure.
Cette scène tira alors un large sourire à Manu tandis que la voix de son amant retentissait dans la pièce.
- Et bien, il a l’air de t’aimer ! Bienvenu dans la famille JB !
- M’appelle pas comme ça ! Arg, du vomi de bébé ! Qu’est-ce ça pue le lait fermenté ! Eurk !
- Ouais bah justement, va te nettoyer un peu, qu’on passe à l’apéro ! ajouta Marc tout en retirant sa veste et l’accrochant au porte manteau
Les pas éléphantesques du grand brun disparurent dans l’escalier tandis que Sandrine s’installait dans un fauteuil pour bercer Guillaume qui pleurait. Souriant toujours, Marc se laissa tomber aux côtés du blond et posa un baiser sur ses lèvres.
- Ca va toi ? lui demanda-t-il
- Ouais, enfin, va falloir que je m’y habitue !
- T’inquiète pas, ça va très vite devenir une seconde nature et sache que personnellement, je te confierais mes gosses sans hésiter ! Alors te bile pas, tu seras parfait !
- J’espère…
- Hey les gars, arrêtez vos messes basses, j’vous ai déjà dit que j’aimais pas que vous parliez en français en ma présence !
- Mais c’est pour Guillaume, qu’il devienne bilingue ! ria doucement Marc tout en croisant ses jambes et passant un bras autour des épaules de Manu
- Ouais ouais, c’est ça… soupira la jeune femme qui avait mis Guillaume au sein
Le rire du brun emplit la pièce et Manu laissa un franc sourire planer sur sa figure. L’instant d’après, JB était de retour et les quatre compères fêtèrent dignement cette nouvelle vie.
Lorsque sonna 18h30, les garçons prirent congés alors que le blond devait aller ouvrir son bar. Sandrine explora donc la maison et commença à ranger ses affaires tandis que Guillaume dormait dans son berceau.
Cela faisait maintenant trois heures que Manu poireautait dans son canapé. Sandrine était partie la veille avec Guillaume pour rendre visite à ses parents et son frère et Marc devait venir passer le week-end avec le blond. Ils avaient fixés un rendez-vous en début d’après-midi mais le brun n’était toujours pas là.
Manu lui avait téléphoné plusieurs fois et envoyé plusieurs sms mais le brun restait muet. Le blond ne s’inquiétait pas outre mesure, il savait que son amant avait beaucoup de travail et il avait sans doute été retenu sans pouvoir le dire à Manu.
- Il a du oublier son portable… murmura le blond tandis qu’il caressait son chat qui s’était installé sur ses genoux
Gros-Louis n’était pas du tout perturbé par le changement de lieu mais en même temps, son maître l’avait toujours trimballé partout alors, un peu plus ou un peu moins, ça ne dérangeait pas vraiment l’animal.
Regardant une énième fois sa montre, Manu poussa un soupire tout en passant sa main dans ses cheveux. Une heure de plus passa et le blond commençait à piquer du nez. Il avait allumé la télé, sans vraiment la regarder et il s’endormit totalement alors qu’une scène d’amour d’un soap débile défilait à l’écran. Il se réveilla en sursaut deux heures plus tard alors que la sonnette retentissait dans la pièce.
Se levant d’un bloc, le blond fit tomber son chat qui s’enfuit en feulant et regarda la porte.
- C’est qui… ?! fit-il encore dans le coltard
- C’est moi. Répondit la voix de Marc
Se frottant alors les yeux, Manu regarda sa montre et poussa un soupire d’exaspération.
- Tu as cinq heures de retard Marc ! s’exclama-t-il tout en ouvrant la porte
- Désolé, j’ai été retenu. Fit le brun tout en entrant
- Nan c’est vrai ?! Je t’ai appelé plusieurs fois, t’aurais quand même pu m’envoyer un message ! J’ai finis par m’inquiété moi !
- Tu parles, je suis sûr que tu t’es endormi. Répondit Marc dans un petit sourire
- Mais, l’un n’empêche pas l’autre ! répliqua Manu tout en croisant les bras sur sa poitrine
Un faible rire s’échappa de la bouche de Marc alors qu’il accrochait son manteau. Passant sa main dans ses cheveux, il fixa le blond avant de le prendre dans ses bras pour l’embrasser puis le serrer contre lui.
Le nez dans le cou du brun, Manu poussa un soupire puis passa à son tour ses bras autour de son amant. Respirant l’odeur du brun, il fronça soudainement les sourcils et repoussa l’homme.
- Qu’est-ce que t’as fais ?! s’exclama-t-il, ses mains à plat sur le torse de Marc
Fixant les grands yeux noisette face à lui, il y vit un étrange trouble. Marc affichait une expression qui semblait vraiment perturbée. C’était vraiment étrange de la part du brun de montrer une telle expression.
Dans son cou, Emmanuel-Fritz avait sentit un parfum de femme.
- … T’étais avec qui… ? demanda Manu
- … Isabelle est revenue. Répondit Marc
Le visage de Manu perdit alors toutes ses couleurs et il s’y dessina une expression de panique.
- Quoi … ? fit-il tout en reculant d’un pas Comment ça Isabelle est revenue… ?
- Elle n’a pas pu signer les papiers du divorce. Répondit Marc tout en avançant d’un pas vers le blond Elle veut qu’on reparte de zéro, elle a l’intention de venir aménager ici, avec les gosses.
Les yeux crispés d’incompréhension, Manu avait instinctivement fait un autre pas en arrière. Une bouffée de peur panique montait en lui à vitesse grand V.
- Manu, dis quelques chose… fit Marc alors que le blond était incapable de dire un mot Je tiens à toi tu sais.
- Tu tiens à moi ?! cria alors soudainement le blond, faisant un nouveau pas en arrière, les bras entourant ses épaules Si tu tenais vraiment à moi, tu n’aurais pas couché avec elle ! Et qu’est-ce que tu fous ici d’abord ?! Dégage connard ! Espèce d’enfoiré de merde ! J’aurais du écouter Jean-Baptiste au début, t’es qu’un salaud de première ! T’en a strictement rien à foutre de moi ! Ca n’a jamais été qu’elle ! Il n’y a qu’elle qui compte dans ta putain de vie égoïste !
Hurlant, Manu avait continué de reculer, s’éloignant le plus possible de cet homme. Le visage transfiguré par la colère et les larmes, ses yeux étaient brouillés et il ne voyait quasiment plus l’homme face à lui.
Prostré en avant, il débitait sa colère et sa tristesse tandis que ses jambes commençaient à trembler sous lui. Il allait tomber mais il fut retenu par de grands bras chauds qui le serrèrent contre eux.
- Arrête de crier, s’il te plaît, calme toi, je, oui je lui ai dis oui mais je, je ne veux pas te quitter, je t’ai promis que, ne me repousse pas Manu ! Je tiens trop à toi, arrête de pleurer, on va trouver une solution !
- Casse-toi pov’con, dégage ! répondit Manu alors qu’il n’avait plus de forces pour repousser Marc
Les deux hommes avaient finit au sol, Marc enlaçant Manu et le blond les bras posés sur les bras du brun, dans la faible offensive de le repousser.
Une main du brun s’était glissé dans la tignasse blonde et Marc serrait Manu contre lui à l’en étouffer.
- Non, je ne vais pas partir, je refuse, je ne veux pas ! Hors de question que ça s’arrête là !
- … Tu as trahis ma confiance Marc ! Tu m’avais dis qu’il ne fallait pas que je doute de toi et pourtant j’avais raison !
- Non, ça n’a aucun rapport Manu, là c’est Isabelle ! Tu sais très bien ce que j’éprouve pour elle, je ne pouvais pas lui dire non ! répondit Marc tout en serrant un peu plus Manu contre lui, sa bouche posée dans les cheveux blonds
- Si tu pouvais ! Tu avais déjà fais ton choix Marc ! Tu as signé les papiers, tu es venu vers moi alors que notre amitié me suffisait enfin ! C’est moi que tu as choisis !
- Oui, c’est toi que j’ai choisis, je ne le regrette pas et je veux te garder !
- Tu peux pas me demander ça Marc ! tremblait la voix du blond Tu t’es donné tout entier à moi, même du temps de mon chantage tu n’étais rien qu’à moi, il est hors de question que je te partage ! Putain, tu sais pourtant ce que c’est que d’être amoureux, comment tu peux me demander ça ?!
- Mais, Isabelle ou non, ça ne change rien, tu fais parti de mes priorités et tu le sais très bien !
- Je ne veux pas être l’une de tes priorités ! hurla Manu le plus fort possible alors que sa voix était étouffée contre la poitrine de Marc Je veux rester la seule et unique !
- Mais t’as jamais été la seule et unique Manu ! Y’a mes enfants, mon boulot, et maintenant y’aura Isabelle en plus, ce n’est qu’un bout de l’équation, pourquoi tu te mets dans des états pareils ?! Je te veux pour amant, j’en ai besoin, je t’ai dans la peau Manu ! Je te l’ai déjà dis pourtant ! Ce que j’éprouve à ton égard est vraiment très fort et je ne veux pas que ça s’arrête ! Rien qu’à la pensée que tu puisses me quitter ça me fais mal ! Ca me brûle Manu ! Je ne peux pas m’éloigner de toi, je ne peux pas, ne peux pas…
La voix du brun s’amenuisait petit à petit tandis qu’il relâchait la pression de ses bras autour du blond. Le visage enfoui contre la poitrine chaude au cœur tambourinant, Manu dont la respiration était saccadée, s’était agrippé à la chemise du brun.
- Répond moi Manu… souffla Marc alors qu’il enfouissait un peu plus son visage dans son cou
Complètement hébété par les paroles du brun, Manu, dont la colère et la panique avait quitté, avait le regard hagard et fixait le mur face à lui. Sa respiration était encore dyspnéique et ce qu’il avait entendu tournait dans sa tête.
Dans les paroles du brun il y avait quelque chose d’impérieux. Un secret presque honteux que le brun n’arrivait pas à avouer. Mais Manu le connaissait bien trop bien et savait que Marc n’était pas du genre à tourner autour du pot cent sept ans. Il savait que Marc était un homme instinctif et franc, qu’il n’était pas du style à se prendre la tête ni à faire autant de périphrase.
La vérité c’est que l’homme qui le serrait dans ses bras était simplement incapable de comprendre ce qui était en train de lui arriver.
- Manu… murmura Marc S’il te plaît Manu…
Mais le blond ne savait juste pas quoi dire et était partagé entre son désir de rester avec cet homme apeuré qu’il aimait plus que tout et celui de fuir l’être égoïste qui le tenait dans ses bras.
- Tu sais, je sais, pour mon problème. Souffla le brun tout en raffermissant sa prise C’est toi mon problème Manu, ça a toujours été toi, depuis le début. Tu me fais ressentir tellement de chose Manu, et ça me fous la trouille autant que je ne veux surtout pas que ça s’arrête. Je me sens tellement bien avec toi Manu, t’es la seule personne au monde avec qui je me sente aussi bien… Et je sais que pour toi c’est pareil alors ne me quitte pas…
Son souffle se clamant peu à peu, Manu décrispa son visage et ses mains. Fermant les yeux, il se décala un peu, s’écartant légèrement de Marc, le visage tourné vers le mur.
- Va te laver, tu pue la femme. Fit-il d’une voix sèche
Marc mit quelques secondes avant de réagir, Manu sentait son regard fixé sur lui. Mais il finit par se lever et le blond entendit ses pas monter l’escalier.
Toujours au sol, Manu se rendit compte qu’il pleurait encore et chassa rageusement les larmes de ses yeux. Reniflant, il finit par se lever et se dirigea vers la cuisine où il se passa de l’eau sur le visage.
Dans sa tête, c’était le vide intersidéral. Tout avait fuit brusquement alors qu’avec ses dernières paroles, il avait accepté la proposition de Marc.
Il aimait cet homme, plus que tout. Et c’était son cœur qui avait dit oui alors que sa conscience n’avait pas arrêté de lui dire non. Qu’il ne pouvait pas rester avec un homme comme lui, un type égoïste qui ne pense qu’à sa petite personne en revenant avec sa femme tout en voulant garder son nouvel amant.
Face à l’évier, Manu n’était plus capable de rien. Il avait juste assez de force pour se tenir debout. Il resta ainsi de longues minutes, à fixer un point de la ligne d’horizon par la fenêtre face à lui.
Il n’entendit pas Marc revenir, il sentit à peine les grands bras enlacer son corps, il ne réagit pas lorsque de l’eau ruissela au creux de son cou, il se laissa faire lorsque Marc le tira en arrière, reculant jusqu’à se caller contre la porte du frigo. Il ne tiqua que lorsqu’il sentit un baiser se poser derrière son oreille, les cheveux mouillés de Marc chatouillant son cou.
Alors il ferma les yeux et posa ses mains sur celles qui enlaçaient son torse.
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Break me up, tie me down, tear me down,
Make me feel like a little dog.
Why don’t you rape me now, and hit me now,
Make me feel like I’m nothing at all,
I’ll wait for you, wait for you to kill everything I have inside,
Destroy everything I have inside.
You and me, we’re a waste,
We’re a waste, we’re a waste,
And we’re going, down the drain,
Down the drain, down the drain,
Down the drain,
Wer’re just a waste, we’re just a waste,
We’re just a waste,
And we’re going, down the drain…
Lilly Wood & the Prick – Down the drain – lien YouTube
Sur la corde raide.
FIN
La troisième partie d'ici trois semaines un mois !