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5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 11:41

- IV-

Voci

 

 

            Balais brosse en main et serpillère, je suis en train de laver le sol bleu immonde de la bibliothèque… Y’a rien de plus chiant à faire alors que les rayonnages sont étroit et les vieilles étagères branlantes risque de se casser la gueule à tout instant et m’ensevelir sous les bouquins. Mais bon, c’est tout de même mieux que de récurer les chiottes… En plus je suis tout seul et donc tranquille !

            Il ne manquerait plus qu’un peu de musique… Il faut que je vois pour récupérer un MP3 quelque part… En attendant je sifflote un air des Red Hot ! Ça me vide la tête et m’empêche de penser aux mauvaises choses… Franchement, je regrette mon taffe au conservatoire alors que j’entendais toujours de la musique et surtout, de plein de style différent, en passant ma serpillère devant les salles de classe… Par contre je ne regrette pas de ne plus croiser ses fils de bourges pédants et prétentieux ! Enfin bref, ce temps là est révolu…

            J’ai d’autres regrets.

            J’ai commencé par le fond de la salle en reculant vers l’unique porte et voici que j’arrive au comptoir. Je commence à avoir mal au dos à être baissé comme ça ! Woaaa, ça craque !

            Je m’étire avec plaisir et fait tourner mon buste sur les côtés, craquant un peu ma nuque au passage. 

 

- Putain ! je lâche soudainement dans un sursaut, les yeux écarquillés et le cœur qui tambourine

 

            Il y a un mec qui se tient derrière le comptoir et qui me regarde sans ciller. Un badge sur sa blouse orange stipule qu’il est le responsable du lieu. Mais ça m’a fait flippé dans la mesure que ce type n’est autre que le gars au sourire d’ange qui était face à moi à l’infirmerie.

            Les cicatrices de ses joues semblent être bien refermées mais reste encore rosées. Je cligne, reprenant contenance, bien que mon souffle soit encore un peu irrégulier.

            Il m’a vraiment fichu les chocottes !

            On se fixe quelques instants et puis le gars baisse les yeux vers son ordinateur, se mettant certainement à faire son boulot. Y’en a qui se font pas trop chier ici quand même… Mais je me demande ce qu’il a fait comme métier avant pour se retrouver responsable de la bibliothèque… C’est quand même une bonne planque… ! Enfin, j’dis ça mais il s’est quand même fait agresser…

            Ouais, la bibliothèque est un lieu assez isolé tout de même…

            Brrr, j’en ai des frissons tout d’un coup !

            Vite vite, je termine mon taffe et me tire d’ici !

            Bref regard circulaire dans la pièce et je me remets à jouer de ma serpillère. En 5min à peine j’ai terminé et sort en vitesse en poussant mon chariot.

            J’ai besoin d’une clope et me dirige donc vers la cours après avoir rangé mon bordel dans la régie appropriée et cherche la carrure rassurante de Demba qui est censé m’attendre.

 

- Hey je suis là p’tite tête ! fait la voix de mon ami que je rejoins rapidement

- Salut j’allume ma clope Bien bossé ?

- Oui, on a planté des bouleaux ! Et toi ?

- Ça va… je tire sur ma clope J’étais à la bibli… Y’avait le type au sourire d’ange derrière le comptoir.

- Ah ! Angelo !  Il est sorti de l’infirmerie, c’est cool pour lui. Fait Demba dans un sourire avant de s’allumer lui aussi une cigarette

- Angelo… ?

- Ouais, c’est son nom… Enfin, surnom plutôt. Personne ne connaît son véritable prénom, c’est Lorenzo qui l’a surnommé ainsi à son arrivée à la prison…

- Lorenzo ?

- Ouais, c’était son… « Protégé »… répond Demba en faisant les guillemets avec ses doigts

 

            Bah, c’était le protégé de Lorenzo… ? Alors comment ça se fait qu’il ait été torturé ainsi… ? Si Lorenzo est le shutcall de la prison, ça m’étonne que son protégé est été ainsi attaqué…

 

- C’est un type assez spécial Angelo…

- Ça fait longtemps qu’il est ici… ?

- J’sais pas trop, un ou deux ans je pense, il était déjà là quand je suis arrivé ici.

- Oh…

- Ouais, mais comme je te dis, personne ne sait grand-chose de ce mec. Il ne parle presque pas, enfin pour ma part, je n’ai jamais entendu le son de sa voix ! Du temps où Lorenzo l’avait pris sous son aile, il le suivait comme un toutou… En faite, la seule fois où j’ai entendu sa voix c’est quand il s’est fait agressé… Tout le monde l’a entendu, il hurlait si fort que ça a raisonné dans l’intégralité du bâtiment…

- Putain… !

 

            Et bien heureusement que je n’étais pas là ce jour là… ! Mais alors, ça veut dire qu’il est resté à l’infirmerie plus d’un mois vu que moi je me suis fait tabassé à peine un mois après mon arrivée…

            Ça me fait mal au bide cette histoire…

 

- Ouais, « putain » comme tu dis… il tire sur sa clope et j’en fais autant Enfin, Lorenzo doit être content qu’il soit sorti…

- … Quand tu dis protégé, tu veux dire que… ? je fixe mon ami

- Qu’ils baisaient ensembles ? Ouais, c’est ça…

 

            Pourtant Lorenzo me gravite autour ces derniers temps… Raaah punaise, c’est quoi ce bordel ! Je pige vraiment rien !

 

- Bref, on va faire une partie de basket ? reprend Demba, coupant court à mes tergiversations

 

            Je réponds d’un hochement de tête et termine ma clope avant de le suivre sur le terrain où nous rejoignons la bande de black avec qui nous jouons à chaque fois.

            Plusieurs minutes passent ainsi et j’en oublie toute cette histoire mais nous sommes stoppés par de stridents coups de sifflet alors que trois gardiens débarquent en trombe. Je n’avais pas remarqué, tout à mon jeu que j’étais mais il y a du grabuge dans un coin de la cours.

            Bien entendu, tout le monde s’approche et fait cercle. Au milieu, Lorenzo, cheveux en pagaille et visage crispé de colère. J’entends des chuchotements qui disent qu’il vient de péter un câble et lève ensuite les yeux vers Demba qui vient de pousser un profond soupire.

 

- Tous les premiers mercredis du mois c’est la même rengaine avec ce type…

- Comment ça… ?

- Le type qui l’a fait mettre en tôle vient rendre visite à un prisonnier ces jours là…

- C’est qui ce type ?

- … Masato Slay… répond Demba dans un murmure en me regardant

- … Attend, tu veux dire, LE Masato Slay ? Le patron des entreprises Slay ?

- C’est ça…

- Mais, pourquoi donc… ?

- T’es pas au courant ? Ce mec est aussi le chef de la mafia d’Aves… Enfin, selon les rumeurs…

- Wow… !

 

            Je suis sur le cul. Cette ville est donc pourrie jusqu’à la moelle… ?

            Merde ! Se sont ces entreprises qui fait quasiment entièrement tourner Aves et qui l’ont fait connaître dans le monde entier !

            Le fin rire de mon ami me fait ciller.

 

- Et ouais bonhomme, c’est la dure réalité…

 

            Je ne réponds rien et retourne mon regard vers Lorenzo qui est en train de se faire maitriser par les gardiens. Il continue de gesticuler, gueulant mais avance tout de même dans la direction imposée.

            Le cercle de curieux s’ouvre alors pour les laisser passer et le regard gris de l’italien se pose sur le mien.

 

- Hey !Cara mio ! Quel plaisir de te voir ! me lance-t-il dans un sourire étrangement diabolique alors qu’il cherche encore à se défaire de l’emprise des gardiens Je m’en vais faire un petit séjour à l’ombre durant quelques heures ! Profite bien de ta journée !

 

            Un rire qui me fait trembler de la tête aux pieds raisonne alors et je ne peux ôter mon regard de lui alors que les gardiens l’emmènent à l’intérieur.

 

- Hey ça va ‘tite tête ? me fait Demba en posant sa main sur mon épaule

- Ou-ouais… je réponds d’une voix pas vraiment rassurée en relevant les yeux vers lui

- … Fais gaffe, sérieusement…

 

            J’hoche la tête.

            C’est clair, il ne faut vraiment pas que je m’approche de ce type… Et que je ne lui parle pas, bien qu’il vienne me voir… Qui sait ce qu’il pourrait me faire subir…

            Les voix des autres prisonniers me ramènent sur terre alors que plusieurs doigts sont pointés vers le corridor vitré du deuxième étage du bâtiment qui donne sur la cours. Par réflexe, je regarde moi aussi et vois alors un homme en costume foncé et long cheveux ramené en une queue de cheval sur son torse qui fixe la cours, mains croisées dans son dos.

            C’est un asiatique.

 

- Et bien, quand on parle du loup… fait Demba dans un soupire

 

            … C’est donc lui, Masato Slay… ? J’me disais bien que sa gueule me revenait, j’ai vu des photos de lui dans les journaux…

 

- Bref, aller, retournons jouer, il nous reste 10min de pause ! reprend mon ami avant de me pousser doucement vers le terrain de jeu

 

            Je baisse donc les yeux et me laisse pousser. J’ai les pensées qui s’embrouillent pas mal…

            Le jeu reprend, notre équipe à la balle et Demba me l’envoie. Relevant alors les yeux, je croise ceux du mec qui se fait appeler Angelo.

            Perturbé, je me fais piquer la balle alors que je ne peux détacher mon regard du balafré qui me fixe aussi avant de croquer dans une pomme et rentrer dans le bâtiment comme si de rien n’était.

            Depuis quand il est là celui-là ?! Et pourquoi me fixait-il ainsi ?!

 

- Hey ! Mais qu’est-ce que tu branles Tom ?! Si tu te bouges pas on va perdre ! me fait sursauter la voix de Demba et me remet les pieds sur terre

 

            Je m’active donc sur le terrain mais mes pensées sont encore plus embrouillées qu’avant…

 

_____________

 

J’ai entendu dire que si Lorenzo s’est retrouvé en taule c’est qu’il n’a pas voulu intégrer la bande de Masato Slay… Il lui faisait de l’ombre.

J’voudrais pas me retrouver entre eux deux si jamais ils se croisent en vis-à-vis…

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28 avril 2013 7 28 /04 /avril /2013 11:18

- III -

Occhi

 

           

 

            Putain, encore plein de merde sur la lunette...!

            Mais sérieux, comment ils font pour en mettre autant partout ?! Ils cherchent vraiment à nous faire chier ces gros porcs !

            D'un geste rageur, je balance de la javel directement sur la lunette et me met à gratter. Pfiou, vivement la fin dans 10 minutes... Une clope et je vais chercher Demba pour qu'on aille bouffer.

 

             Aaaah, qu'elle est délicieuse cette deuxième clope de la journée...

            Finalement, c'est pas si mal que ça que de fumer à certaines heures de la journée, on savoure plus je trouve... Je fais super gaffe à ça, n'ayant pas les moyens de me payer vingt mille paquets de clopes et certainement pas envie de vendre mon corps pour en avoir 5 de plus par jour...

            Adossé contre le mur, je profite d'un bout de ciel bleu et d'un rayon de soleil. Sauf qu'une ombre vient légèrement sur mon visage. Baissant légèrement le regard, je rencontre celui du shutcall.

            Mais c'est pas vrai, qu'est-ce qu'il me veut ? Et Demba qui n'est pas là !

            Les pires scénarii défilent dans ma tête alors qu'un étrange sourire se dessine sur les lèvres de Lorenzo alors qu'il vient de s'allumer une cigarette.

 

- C'est bien, tu as repris des forces... murmure-t-il presque ne me fixant droit dans les yeux

 

            Son accent me fait frissonner. Je reste planté comme un con ma clope se consumant au bout de mes lèvres. Lorenzo s'approche calmement tout en avançant une main dont l'index va s'enfoncer dans un de mes bleus qui est encore légèrement apparent sur mon visage.

 

- Quel dommage qu'un si beau visage est été blessé... Tu devrais revoir tes fréquentations cara mio.

 

            Je déglutis légèrement et sens comme une goute de sueur perler sur ma tempe. Ce gars me fou les jetons : c'est officiel.

            Ne pas répondre... Surtout ne pas répondre! Ça va m'apporter plus d'ennuis qu'autre chose, surtout que je ne sais absolument pas ce que veut dire cara mio. Est-ce une insulte...?

            Il porte un regard sur moi que je ne peux pas qualifier et je repense à ce que m'a dit Demba : je lui plais. 

            J'en suis dégouté mais il ne faut absolument pas que je le montre, ce type risque de mal le prendre. Il respecte peut-être Demba, mais ce n'est pas parce qu'il m'a pris sous son aile que je suis immunisé.

            Je reste donc stoïque et le fixe le plus neutrement possible tout comme j'ai vu Demba le faire. Lorenzo se met alors à rire comme s'il avait compris mon petit jeu. Mais je ne me laisse pas abattre malgré cette moquerie.

            Il finit par s'écarter et s'éloigner à reculons sur plusieurs mètres en me souriant, avant de tourner les talons et repartir à ses affaires.

            Mon dieu... Il m'a dans le collimateur...

            Je m'ébroue comme un chien. Aller courage ! Je crois que j'ai pigé la technique. Il suffit que je continue à le regarder comme j'ai fait sans rien dire et tout devrait bien aller.

            Je jette mon mégot à terre et file rejoindre Demba à l'espace entretient où il doit certainement être en train boire un café avec deux-trois gardiens. Et effectivement il est là.

 

- Hey Tom ! ça va ?! Un petit kawa avant d'aller bouffer ?

 

            Je secoue légèrement la tête, refusant poliment la proposition de mon compagnon.

 

- Ça me fou des aigreurs d'estomac, allons plutôt manger. J'ai la dalle.

- Moi c'est fumer le matin qui me fou mal au bide. Je ne sais pas comment tu fais pour fumer avant le petit dej.

- Chacun ses habitudes. je répond dans un sourire, avant de saluer les gardiens et de partir en direction de la cantine en compagnie de Demba

 

            Je ne sais pas si je dois parler de Lorenzo... Mouais, pour le moment je préfère fermer ma gueule. Moins j'en parle  et plus je serai tranquille à mon avis...

            On s'installe tranquillement à nos places après avoir prit notre plateau et on commence à manger. Demba me raconte sa matinée, ils ont commencé à bêcher la terre pour faire un potager. J'comprend pas trop l'utilité mais bon, Demba à l'air ravi... C'est vrai qu'il était paysagiste et c'est certainement un amoureux de la terre et de ce qu'on peut en tirer.

            Si ça l'amuse, tant mieux pour lui. Moi je n'ai pas encore trouvé de quoi m'évader entre ces murs.

 

- Dis, tu sais ce que ça veut dire "cara mio"...? je place dans un blanc

 

            Demba hausse les épaules.

 

- Aucune idée. Qui t'as dis ça ?

- Oh, je l'ai juste entendu dans une conversation entre deux détenus... je mens sans soucis

- Bah t'as qu'a aller à la bibli ce soir, je te donne mes codes pour aller sur le net.

- Non, j'peux pas ce soir, ma mère et mes sœurs viennent me voir. je répond alors, mes lèvres s'étirant dans le premier sourire de cette journée

- Ah ouais ? C'est cool ça ! Tu ne me l'avais pas dit.

- Bah, je l'ai appris le jour où je me suis fais... je dégluti soudainement aux souvenirs qui remontent en moi Enfin, tu vois de quel jour je parle, du coup j'ai zappé de te le dire.

- Ok, bah profites-en. me répond-t-il dans un sourire

 

            Mais toute joie a définitivement quitté mon visage alors que je replonge dans mes cauchemars.

 

- Hey, ça va aller petit... reprend-t-il en voyant mon expression

- Tu dis ça mais t'en sais rien. je réplique avant de me forcer à avaler une bouchée En plus tu pars bientôt...

- Oh arrête, je viendrais te rendre visite !

- C'est pas pareil. je le fixe alors droit dans les yeux Toi t'es tranquille, personne t'emmerde. Je te rappelle que je viens de me faire tabasser sans aucune raison apparente et apparemment Lorenzo m'a déjà dans le collimateur.

- Je te l'ai déjà dis, reste tranquille et tout se passera bien... Tu t'es fais tabassé parce que tu es nouveau, ici c'est comme ça.

- Ça t'es arrivé aussi ? je demande alors

- Me faire tabasser ? Non... il répond en me fixant lui aussi

 

            Je cligne. Il ne m'en dit pas plus...?

            Maintenant c'est clair, il s'est passé un truc avec Lorenzo ou d'autres détenus... S'il le faut c'est Demba qui leur a collé une branlée. Enfin j'dis ça mais je m'imagine certainement trop de trucs... M'enfin, j'avoue que si Demba n'avait pas été mon compagnon de cellule et qu'il ne m'avait pas parlé le premier, je serais resté méfiant...

            La réalité est qu'il n'est qu'un gros nounours. Cette pensée me tire alors un fin sourire que Demba voit.

 

- Et bah alors, quel lunatique ! Tu passes des larmes au rire facilement dis donc... me dit-il dans un fin rire

 

            J'hausse simplement les épaules, adoptant la même attitude que lui. C'est à dire ne pas développer.

            Vivement 16h30, que je retrouve mes femmes !

 

 

- Oh mon chéri, mais qu'as-tu sur le visage ?!

- Je me suis mangé une porte, ne t'inquiète pas...

 

            Bien évidemment, même si je n'ai quasiment plus de trace de bleus, ma mère les a quand même vu...

            C'est sa première réaction alors qu'elle s'apprêtait à me prendre dans ses bras. Finalement c'est moi qui l'enlace et embrasse ses longs cheveux blonds puis m'en détache alors que mes quatre sœurs se jettent sur moi en piaillant.

            Un véritable sourire s'imprègne finalement sur mes lèvres et je les embrasse avec douceur. J'ai 8 ans d'écart avec la plus vieille alors autant vous dire qu'elles sont mes petites princesses. Les trésors que je chéris avec jalousie... D'autant plus que Magalie entre juste au collège et que je ne suis pas là pour la mettre en garde contre les garçons...!

            Elles grandissent trop vite, ça fait bizarre... Pour moi elles resteront à jamais les petits bébés que ma mère m'a mis dans les bras... On en a vécu de beaux moments tous les six. Tout ça me manque.

            Je m'assois à la table qu'ils nous ont allouée, prenant la plus jeune sur mes genoux.

 

- Pourquoi t'as plu de cheveux Tom...? me demande-t-elle ce qui me fait rire

- On me les as juste coupé, ne t'inquiète pas, ils vont repousser...

- Mais c'est bizarre, ils ne sont plus violets !

 

            Je ris de nouveau et lui embrasse le front.

 

- Et oui, je ne peux plus me les teindre ici...

- C'est bête, c'était rigolo !

- C'est comme ça, maintenant je suis blond comme toi !

 

            Elle se met à rire tandis que ma mère sort les trucs qu'elle m'a apporté de son sac en plastique.

            Je dois profiter à fond des 20 minutes qui nous sont accordées avant de devoir retourner récurer mes chiottes. Ma mère m'informe qu'elle voit mon avocat demain pour demander un droit de visite plus régulier. Elle espère pouvoir venir une fois par semaine minimum.

            Je réponds d'un sourire, ça me fait du bien d'entendre ça... Même si je suis un peu inquiet car l'avocat en question n'est qu'un commis d'office et je crains fort qu'il ait d'autres chats à fouetter que de se casser le cul pour moi... Vu comment il m'a défendu de toute façon, je n’attends rien de lui.

            Enfin bref, ma mère change rapidement de sujet et finalement j'aurais préféré continuer de parler de l'avocat.

            Elle me raconte leur vie depuis que je suis en prison et ça s'est encore plus dégradé que ça a plus l'être du temps où j'étais en procès mais touchais le chômage... Elles n'ont plus que les revenus de ma mère et c'est aussi pour ça qu'elle veut voir mon avocat : essayer d'avoir une pension en plus du fait que je suis en prison.

            Je ne dis rien, écoutant, mais je doute fortement qu'elle puisse en avoir une. Après tout, je suis son fils, pas son mari... Une colère sourde monte en moi et j'essaye de me contrôler alors que j'ai envie de toute envoyer en l'air...

            Finalement, mes sœurs revirent la conversation à quelque chose de plus joyeux et je me remets à sourire. Mais ce n'est que de courte durée alors que les gardiens sonnent l'heure de fin de visite. Nouvelles embrassades et je les regarde partir le vague à l'âme... Les paroles de ma mère remontent en moi et c'est le visage crispé que je sors, allant directement au coin fumeur histoire de me calmer les nerfs.

            A peine ma clope allumée, je vais écraser mes phalanges contre le mur. Un beuglement de douleur s'échappe de ma gorge sans que je puisse le contrôler et je me laisse instinctivement glisser contre le mur, me tenant le poignet de l'autre main, mes dents serrées sur le filtre de ma clope.

 

- Putain... je grogne alors que la douleur est encore là

- Et bien alors cara mio on joue les durs...? fait soudainement une voix que j'identifie immédiatement à son accent

 

            Pas besoin de lever les yeux mais pourtant je le fais, ancrant mes prunelles à celles de Lorenzo qui s'allume une clope, débarquant de nulle part. Puis il se penche et prend doucement ma main blessé dans la sienne.

            Je vois sa langue sortir d'entre ses lèvres mais je n'imagine pas l'ombre d'une seconde ce qu'il en fait juste après.

 

- Mais vous êtes taré ?! je lâche sans réfléchir, retirant vivement ma main alors qu'il vient de me la lécher

 

            Un rire étrangement cristallin raisonne alors et me fait frissonner.

 

- Tu n'as pas l'air de savoir à qui tu t'adresse exactement cara mio. Fais attention où je me ferais un plaisir de t'expliquer tout ça...

 

            Il se redresse alors et dans un simple clin d'œil, tourne les talons, jetant sa clope à peine consumée.

            Je n'en reviens pas... C'était quoi ça ?!

            Il m'a léché la main putain ! Et y'a du sang en plus !!! Ne regarde pas, ne regarde pas ! Ne tombe pas dans les pommes comme un con...

            Par réflexe, je me mets à frotter ma main contre mon pantalon orange. Ça m'arrache un nouveau gémissement mais c'est toujours mieux que de voir mon sang. J'espère qu'il ne m'a pas refilé de saloperie avec sa salive !

            Putain de bordel de merde ! Mais qu'est-ce qu'il me veut à la fin ?!

 

- Tom ? Et bah qu'est-ce que tu fous ? On devait aller se boire un café avant que tu ne retourne bosser ! tonne soudainement la voix de Demba Qu'est-ce qu'il y a ? T'as quoi à la main ?

- Rien. je fais en me relevant Ne t'inquiète pas, j'me suis éraflé contre le mur sans faire gaffe.

 

            Je n'ai qu'à lui sourire et mon ami me répond du sien.

            Je le suis jusqu'à l'espace détente et il me paye un gobelet de café que je sirote avant de retourner à mes balais.

 

 

 

 

_____________

 

J'ai entendu dire que le gars au sourire d'ange sort dans deux jours de l'infirmerie.

Apparemment, il s'appellerait Angelo.

J'hallucine, quelle putain de mauvaise blague...!

 

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21 avril 2013 7 21 /04 /avril /2013 11:44

- II -

Il "shutcall"

 

            Enfin sortit... Et une putain de boule au ventre.

            Mes bleus me font encore mal mais ils virent au jaune ce qui veut dire qu'ils sont en train de guérir. Enfin, c'est ce que m'a dit l'infirmier.

            A peine ais-je pausé un pied hors de l'infirmerie que Demba m'a accueillit alors qu'il m'attendait. Son sourire aux dents blanches m'a fait chaud au cœur et je l'ai suivit jusqu'à notre cellule. Mais en attendant, je ne sais toujours pas qui sont les gars qui m'ont tabassé et même rester avec Demba ne me rassure pas... Surtout que je ne vais pas rester constamment avec lui, il va falloir que je reprenne le "boulot"...

            En plus j'ai pas fermé l'oeil depuis deux jours et que je ne rêve que de ça... Dormir d'une traite sans un rêve. Et j'en crève de peur. Comment contrôler son esprit pour ne pas rêver...? L'image du visage défiguré plane encore devant mes yeux et je ne peux que penser à lui dans mes moments de creux... Lorsque je ne pense pas à mon passage à tabac. Et j'y pense à chaque geste un peu trop brusque qui me fait grimacer de douleur.

            J'y ai franchement échappé belle... J'aurais très bien pu me retrouver comme ce type, ou pire encore... S'il y a des personne ici pour faire ce genre de chose, j'aurais très bien pu me retrouver avec des doigts en moins, voir toute la main ou le pied. Brrr, j'en frisonne et j'ai beau me raisonner, me dire que je psychote trop, je n'arrive pas à me sortir ça de l'esprit.

            Franchement ? J'ai la trouille...

            Et si ces gars me retombaient dessus, qui sait ce qu'ils me feront la prochaine fois... Surtout que je ne sais absolument pas qui c'est ni ce que j'ai bien pu leur faire...

            Je ne suis ici que depuis un mois, j'ai parlé à très peu de personne, je suis toujours resté avec Demba sans jamais me frotter aux groupes. J'ai beau me creuser la tête, chercher le moindre écart que j'aurais pu faire par inadvertance, je ne trouve rien... Un délit de sale gueule sans doute. C'est la seule chose plausible.

            Je suis nouveau, ils me testent peut-être simplement... Je n'ose pas en parler avec Demba, il est tellement protecteur, une espèce de grand-frère, j'ai pas forcément envie d'entendre ce qu'il pourrait m'en dire... S'il le faut il me l'a d'ailleurs déjà dit lorsque je n'écoutais pas à l'infirmerie... Mais en attendant, j'vais avoir du mal à me sortir ses images de la tête.

            J'étais pourtant tranquille, à faire mon taffe... Ils m'ont sauté dessus sans crier gare, m'ont encagoulé dans un tissu qui puait la transpiration et m'ont trainé je ne sais où sans aucune douceur. Et là, ils ont commencé à me frapper...

            D'abord des coups de poing dans le ventre et les côtes qui m'ont coupé la respiration en même temps que la douleur m'envahissait. Deux gars me maintenaient fermement pour que je ne m'étale pas au sol et les coups ont continué de tomber en rafale. J'entendais leurs rires et leurs insultes...

            Ils ont fini par me lâcher et mes jambes tremblaient tellement que j'en suis tombé à genoux. Et j'me suis pris un pain dans la gueule. Là, j'ai senti le goût métallique du sang emplir ma bouche et couler dans ma gorge. J'en ai frissonné de dégoût une demi-seconde avant qu'un autre poing s'écrase sous mon menton, me faisant basculer en arrière. Ma tête a buté contre le sol. Un grognement m'a échappé alors que je me recroquevillais sur le côté. Mais pas le temps de souffler, je me suis mangé un coup de pied dans le bide... Et puis un des gars m'a choppé par l'oreille, embarquant à moitié la cagoule qui m'a découvert les yeux.

            Là j'ai vu les giclées de sang que j'avais craché juste avant. Ma vision s'est flouée alors que les gars essayaient de me redresser. Je me suis évanoui sans avoir le temps de voir au moins un des gars et me suis réveillé à l'infirmerie. C'est Demba qui m'a retrouvé alors qu'il me cherchait puisque je ne l'avais pas rejoins devant la cantine... Mon putain d'ange gardien !

            MERDE ! Mais comment je vais faire lorsqu'il partira ?!

            Je sais que c'est dégueulasse de penser ça mais, si seulement il pouvait faire un petit truc hors du chemin et se prendre quelques mois de plus... Je sais qu'il ne part que dans deux mois mais je suis sûr que ça ne suffira pas à ce que j'apprenne à me défendre seul...

            J'ai honte de penser comme ça, mon égo en prend un sacré coup mais, c'est la vérité... Je n'ai ni sa carrure, ni sa trempe. Encore moins son charisme et son calme... Je ne suis et n’est toujours été qu'une crevette.

            Dans le vrai monde, je pouvais esquiver mes agresseurs, j'ai toujours évolué en territoire connu et en totale liberté. Mais ici je suis enfermé entre quatre murs dont je ne connais pas encore tous les recoins avec des brutes épaisses à chaque coin de couloir.

            Ici, un simple frôlement ou regard peu déclencher une véritable tempête. L'infirmerie est toujours pleine. D'ailleurs j'ai eu de la chance d'avoir un lit... J'ai vu des gars arriver et être mis sur des civières ou des matelas posés à même le sol.

            Parfois je me demande si la politique de cette ville veut que les criminels soient tous enfermés et à peine surveillés de sorte à ce qu'ils finissent par s'entretuer... Puisque la peine de mort n'est pas effective ici, le sale boulot est fait sans que les "honnêtes gens" n'aient à se salir les mains...

            Ah qu'elle est belle la justice...! Je ne le répèterais pas assez je pense...

            Colère, honte et peur. Se sont les trois seules émotions qui me sont offertes désormais...

 

 

            J'ai passé ma matinée à flipper, regardant autour de moi toutes les 5 secondes par peur de voir de nouveau débarquer les hommes qui m'ont tabassé... Il va falloir que j'apprenne à vivre et avancer avec cette peur.

            On dit que ce qui ne tue pas nous rend plus fort. C'est que des conneries ! Ce qui ne tue pas te fait à moitié pissé dans ton froc de trouille ! Moi qui n'ai jamais beaucoup transpiré je me plais à rêver d'une douche pour seul salue... Ou une assiette de bonne boustifaille, mais on ne peut pas dire que ça soit chose réalisable ici...

            Je suis en ce moment même devant une assiette de purée saucisse à tourner l'infâme bouillie trop liquide qui ressemble à tout sauf à de la purée... Sans beurre et un unique et minuscule sachet de sel pour tout le repas. Je l'ai déjà entièrement saupoudré sur mes tomates en entrée...

            Demba face à moi mange sans aucune expression sur le visage. Il a pris l'habitude, depuis le temps... Moi je ne m'y ferais jamais je pense.

            La purée n'adhère même pas à la fourchette et j'ai juste à la pencher légèrement pour que ça retombe en "splach" bien dégueu dans mon assiette.

 

- Super... murmuré-je

- Tu as dis quelque chose ? demanda alors Demba

- Non, je pensais juste à haute voix...

 

            Je touille ma purée et sens le regard de mon compagnon sur moi. Il me fixe mais n'insiste pas. De toute façon ça ne sert à rien de se lancer sur une discussion sans fin autour d'une purée... Parler de la bouffe d'ici ne rime à rien, tout le monde serait d'accord pour dire qu'elle est dégueulasse.

            Les bons petits plats de maman me manque... Même avec peu de moyens, elle arrivait toujours à sublimer le plus affreux morceau de viande. Enfin, il faut bien que je mange... Alors j'avale sans trop laisser en bouche et relève les yeux pour regarder autour de moi.

 

- C'est bien, il faut beaucoup manger à ton âge fait soudainement une voix au fort accent sur ma droite

 

            Je tourne la tête.

            Sous mes yeux se trouve Lorenzo D'Isanto que je n'ai pas vu ni senti s'asseoir à mes côtés. Et ce gars, tout le monde le connait ici...

 

- Heu... je fais en clignant mais Demba me coupe avant que je n'ai réellement pu parler

- Ne commence pas Lorenzo. dit-il simplement, fixant sans gène le brun qui tourne alors son regard gris sur lui

 

            Je cligne de nouveau en les fixant tour à tour.

            Un étrange sourire s'est étiré sur les lèvres de l'italien alors que celles de mon ami restent totalement neutres. C'est la première fois que je vois ce type d'aussi près alors que tout le monde le connais ici.

            Il règne en maître ici depuis plusieurs années maintenant. Tous ont peur de lui sous couvert d'un hypocrite respect. Demba m'a mis en garde contre lui dès mon arrivée. Pourquoi vient-il nous voir aujourd'hui...?

            Les deux hommes se fixent durant quelques instants et finalement, Lorenzo se lève dans un signe de tête à Demba et commence à s'éloigner non sans me lancer un regard et un sourire qui sans savoir pourquoi me font frissonner des pieds à la tête. Le genre de frissons supers désagréables qui te reste longtemps en mémoire.

 

- Fais pas attention à lui. me dit Demba avant de se remettre à manger

 

            Je me mets à fixer mon compagnon en pensant à tout ce qu'il a pu me dire sur cet homme. Sauf une chose que je viens de comprendre à l'instant.

            Si les prisonniers foutent la paix à Demba c'est parce que Lorenzo le laisse en paix.

            J'imagine que Demba a du l'impressionner à son arrivée ici et il a du se passer quelque chose entre eux deux. Mais quoi, je suppose que je ne le saurais jamais quand bien même je le demanderais à Demba. Ce mec est incroyablement réticent aux emmerdes et ne parle que de ce qu'il faut.

            Enfin, dans tous les cas, Lorenzo D'Isanto est ce qu'on appelle dans le langage carcéral le "shutcall"... Terme américain qui désigne le prisonnier qui contrôle absolument tout dans une prison, jusqu'aux gardiens... En gros, si t'as besoin de te faire passer un truc de l'extérieur, il faut le demander à Lorenzo. Si t'as un problème avec un groupe et que t'as besoin d'être protéger, il faut aller voir Lorenzo... Mais bon, il ne tend la main que s'il y trouve un intérêt bien sûr... Ou s'il en a envie.

            Demba m'a conseillé de ne jamais me frotter à lui. De ne jamais rien lui demander, même si c'est juste un peu de savon sous les douches... On reste à jamais redevable envers ce genre de personne. Un genre de dette éternelle quoi... Même pour une petite broutille de rien du tout.

            Ici tous les moyens sont bons pour avoir une emprise sur les autres et ce gars excelle dans ce domaine.

            Je ne sais vraiment pas ce qu'à pu dire ou faire Demba pour que Lorenzo le laisse ainsi tranquille alors qu'il vient tout juste de le rembarrer... Ça me titille vraiment.

 

- Sérieux, il s'est passé quoi entre toi et lui...? je ne peux m'empêcher de demander en me penchant vers Demba

 

            Ce dernier lève son regard sur moi et me fixe sans un mot.

 

- ... Ok... je ne peux que répondre, baissant les yeux et me redressant Mais sinon, tu sais pourquoi il est venu me parler...? j'ajoute avant d'avaler rapidement une nouvelle bouchée de purée

- Aucune idée. Il doit juste te trouver à son goût.

 

            Je m'étouffe à moitié avec une nouvelle bouchée et relève les yeux vers mon ami.

 

- Quoi ?!

 

            Demba cille et me fixe.

 

- Tu vois des femmes toi ici ?

- Bah, elle est idiote ta question ! je réponds en sachant parfaitement qu'aucune prison au monde n'est mixte

- Et bien repense un peu à la tienne, tu vas vite comprendre.

 

            Là-dessus, il croque dans sa pomme en tournant son regard.

            Je le fixe hébété avant de tilter.

            C'était pourtant ma première peur avant d'entrer ici, bien vite surplombée par d'autres je n'y ai plus repensé. Sans nanas à portée de main, les hommes enfermés ici ont du trouver d'autres moyens d'assouvir leurs pulsions... Brrr, j'en frissonne de dégoût...!

            Ils ne connaissent pas leur main droite cette bande de dégueux ?! Je ne suis pas du tout homophobe, n'allez pas penser ça, mais j'veux pas qu'on touche à mon cul. Ni inversement.

_____________

 

J'ai entendu dire que Clarckson suçait pour quelques clopes...

Nan, je suis pas en manque au point de me faire sucer par un mec...!

Dégueux !

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14 avril 2013 7 14 /04 /avril /2013 11:46

- I -

Vita in prigione

 

            Quand on arrive en prison on a intérêt à vite piger comment tout s'organise... Sinon on se perd et l'expression "se faire enculer" prend tout ses sens.

            Pour ma part, j'ai eu la chance de tomber sur le meilleur compagnon de cellule qu'il soit. Le seul rayon de bonheur dans mon cauchemar... Un grand black nommé Demba, véritable électron libre entre ces murs, personne ne vient se frotter à lui... A cause de sa carrure ou d'autre chose, je n'en sais strictement rien. Dans tous les cas, il a le caractère placide d'un vieux lion et ne cherche jamais à s'attirer des ennuis. Tous les autres prisonniers semblent lui vouer un certain respect et lui fichent royalement la paix.

            Il m'a tout de suite pris sous ses grandes ailes et m'a tout expliqué.

 

            Ici, notre existence est rythmée par des coups de cloche. Comme à l'école, chaque heure qui passe est scandée par un son strident qui m'a vrillé les tympans pendant plusieurs jours avant que je ne m'y habitue.

            07:30 : première sonnerie, il est l'heure de se lever. Toutes les lumières s'allument, elles sont blafardes, même en collant sa couverture sur les yeux on les voit toujours. Pourtant ici les lits sont relativement confortables et bien mieux équipés que ce que je ne m'imaginais. La couverture tiens bien chaud et ne gratte pas. Bref : c'est l'heure de la douche. Tous à poils en rang d'oignon, on attend son tour en se faisant reluquer de haut en bas... Heureusement Demba est toujours derrière moi et même si son engin est pour le moins impressionnant je sais parfaitement qu'il ne me touchera jamais contrairement à d'autres prisonnier dont le regard vicieux me colle la chair de poule.

            08:30 : tous à la cantine, c'est l'heure du porridge... Infecte, mais je l'avale car il faut bien reprendre des forces. Et je peux vous dire qu'ici, on en a besoin... Et puis, je dois avouer que c'est tout de même agréable de pouvoir manger trois repas par jour alors qu'à l'extérieur mon estomac pouvait rester désespérément vide pendant plusieurs jours.

            09:00 : les groupes se dispatchent et chacun rejoint son poste. Pour ma part, ils m'ont assigné à l'équipe de nettoyage. Ça ne change pas trop de ce que je faisais avant. Tant mieux, je préfère être en territoire connu même si je doit très souvent récurer des chiottes pleine de merde. Les hommes sont tous des porcs : je comprend ma mère.

            11:30 : soit disant quartier libre, mieux vaut être les premier à entrer à la cantine... Demba et moi nous collons contre un mur et j'observe les autres tandis qu'il sort un livre de sa poche.

            12:00 : c'est la ruée pour un simple quartier de pomme. Les premier arrivés sont les mieux servit. C'est incroyable, le premier jours j'ai cru me retrouver au milieu d'animaux sauvage autour d'un oasis... Le plus fort gouvernera.

            13:00 : quartier libre, en général Demba et moi rejoignons notre cellule pour une petite sieste.

            14:00 : reprise des travaux. Généralement je me tape le réfectoire ou les cuisines. On est que 5 dans l'équipe et on a vraiment beaucoup de taffe...

            16:00 : une demie-heure de pause. Je rejoins Demba et nous fumons une clope avant d'aller demander un ballon pour faire quelques passes.

            16:30 : l'heure des visites pour ceux qui en ont la chance. Moi je retourne récurer mes chiottes.

            18:30 : fin du boulot, de nouveau la queue devant le réfectoire.

            19:00 : un médiocre repas mais au moins c'est chaud, même si le goût n'est pas fameux...

            20:00 : dernier quartier libre, possibilité de passer un coup de téléphone, d'accéder aux ordinateur si on a réussit à avoir l'autorisation, accès à la bibliothèque, cours du soir pour certains...

            22:30 : extinction des feux. Tous en cellule verrouillée, les gardiens font leur ronde, chien en laisse et seuls le bruit de leurs pas raisonnent dans le bâtiment.

            Et tout recommence le lendemain matin.

 

            Mais outre cet emplois du temps bien huilé, le plus important à savoir pour les prisonniers est bien entendu l'organisation des groupes. Et pour un nouveau, comme moi, il faut vite trouver celui qui vous apportera la meilleur protection.

            En fonction de vos origines, de votre carrure, de la raison de votre incarcération, vous intègrerez tel ou tel groupe. Mais pour un petit bonhomme comme moi qui n'a commis pour seul crime de vendre de la came, à tord accusé d'homicide involontaire, il n'y a pas vraiment de groupe où je me sente à ma place... C'est aussi le cas de Demba qui pour sa part a été victime de son associé qui a détourné des fonds sous couvert de leur entreprise de paysagisme... Si moi j'ai tout de même commis des délits, lui n'est véritablement qu'une simple victime.

            C'est peut-être pour ça que les autres lui fichent la paix... Demba n'est pas un caïd, c'est peut-être un black mais il n'a rien à voir avec ce monde. J'ai l'impression qu'être emprisonné n'a aucun effet sur lui : il sait qu'il va sortir.

            Il avait pris pour huit mois et six sont déjà passés. Mais pour l'instant je ne veux pas penser à son départ...

            Même les gardiens lui fichent la paix alors que tout un chacun sait qu'il est très facile de les soudoyer pour avoir telle ou telle chose... Un paquet de clope contre une barrette de shit, je n'ai jamais vu autant de trafique de drogue alors que je suis censé avoir été dans le milieu... Ici il est plus facile d'avoir de l'héroïne que du tabac et certains gardiens vont même jusqu'à fermer les yeux sur des actes répréhensibles selon quel prisonnier en est à l'origine.

            C'est à cause de ce genre d'incompétents que certains se retrouvent à l'infirmerie. Simplement tabassé ou mutilé à vie.

 

            En parlant d'infirmerie, je sors demain. Ma mère et mes sœurs passent me voir bientôt, j'espère ne plus avoir de bleus sur la gueule... Dire que toute cette histoire a commencé pour elles...

            Quand mon père nous a laissé tombé, on s'est retrouvé sans rien. J'ai arrêté le lycée et me suis mis à bosser comme technicien de surface au conservatoire de la ville tandis que ma mère se tuait le dos à remplir des rayons... Nous vivions à six sur deux minuscules salaires. Comprenez donc que je me suis rapidement mis à dealer pour compléter les fins de mois : payer la bouffe et le loyer de l'appartement HLM que ma mère avait réussit à trouver. Nos alloc étaient dérisoires...

            Mais il a fallut que je tombe sur une petite idiote qui pensait être la fille la plus malheureuse au monde.

            Avec son overdose, Lucy a ouvert le mauvais dossier et m'a fait plonger. Mais ce n'est pas entièrement de sa faute alors qu'elle est morte et enterrée depuis plusieurs mois maintenant. Les véritables responsables sont ces deux gamins infectes et prétentieux qui ont bazardé toute la faute sur moi. Il leur fallait un coupable... Et j'ai tout pris.

            J'ai pris pour deux ans avec sursis alors qu'ils n'ont écopé que de quatre mois de travaux d'intérêts généraux... Comme quoi la justice c'est de la grosse merde. C'est de leur faute si Lucy est morte ! Pas de la mienne !

            Ouais, la justice n'existe pas, tout est à la tête du client... Et comme autre preuve, il suffit d'écouter l'histoire de Demba... Mais la personne à qui j'en veux le plus c'est à ce prof, gigantesque punk sans qui rien de tout ça ne serait arrivé.

            Quand je pense qu'il a fourré son nez dans ce qui ne le regardait pas tout ça pour une gamine qui aurait crevé de toute façon ! Si ça n'avait pas été la coke ou l'héro, elle se serait jeté d'un toit ou autre. Elle voulait crever putain, qu'est-ce que ça peut bien lui foutre à lui ?! Il ne la connaissait même pas...!

            Et il a aidé quatre gamins tous plus cons les uns que les autres... Ce genre de gosse, fils à papa, qui ont tout et demande toujours plus... L'éternelle insatisfaction qui qualifie les bourges... Putain, si ce mec était en face de moi, je lui réduirait sa belle gueule de saint en bouillie !

            Je le déteste... Je les hais tous ! Mais rejeter ainsi la faute sur moi était bien plus facile que d'avouer leurs tords... Quelle belle bande d'enfoirés... Et ce connard qui n'est même pas venu témoigner ! Mais merde, c'est lui qui est à l'origine de tout ça ! Jusqu'à maintenant, tout le monde fermait sa gueule et tout allait bien ! Ils l'ont complètement évincé de l'histoire et le nom de "Jean-Baptiste Cailleux" n'a pas été prononcé une seule fois pendant le procès...

            Ce n'est que pure injustice.

            Et puis sincèrement, que Xavier Lucy ou d'autres foutent leur vie en l'air, c'est pas mon problème... Chacun son taffe, ses merdes et les cochons seront bien gardés. Moi je voulais juste apporter un semblant de bonheur à ma famille. Le pire c'est que je n'ai jamais pris une seule de ses merdes... Mon seul vice sont mes clopes.

           

            D'ailleurs je meurs d'envie d'en allumer une en cet instant mais je suis bloqué à l'infirmerie jusqu'à demain... Avec ce type qui ne semble jamais dormir.

            Dès que j'ouvre un œil, son regard dont j'ai du mal à discerner la couleur me fixe sans presque jamais ciller. Il n'est pas humain ce type... Et ses cicatrices... Putain, j'ai jamais autant eu la chair de poule...! Mais comment arrive-t-il à vivre avec ça...?

            Peut-être ne s'est-il pas encore regardé dans une glace... Mais, et les souvenirs alors...? Sa torture, sa mutilation... Moi je ne pourrais pas vivre avec de tels souvenirs... La preuve est que j'en ai fait le pire de tous mes cauchemars la nuit passée.

            Ça ne m'était encore jamais arrivé de me réveiller en sueur, la bouche ouverte dans un cris muet, les yeux douloureux et humides, l'impression d'étouffer et un sentiment d'horreur qui m'emplissait plus qu'à ras bord. Et un putain de sursaut, avec un véritable cri cette fois alors que face à moi, le type était assit, toujours immobile dans son lit à me fixer...

            L'infirmier a débarqué et m'a injecté je sais pas quoi dans les veines sans me demander mon avis... Ça m'a assommé, mais pas endormit. J'pouvais pas, le type me fixait sans jamais détourner le regard. J'avais l'impression qu'il me passait aux rayons X, qu'il voulait s'immiscer dans mon esprit et m'embrouiller...

            Si tel était son but, je dois avouer qu'il y réussissait très bien... Il avait même réussit pendant quelques heures à me faire oublier ma rancœur et ma colère. Pourtant je n'avais que ça à faire : penser et ressasser. J'avais bien envie de lui cracher à la figure pour qu'il arrête de me fixer mais rien qu'à l'idée de faire bouger cet immuable visage de poupée défigurée j'en tremblais...

            J'avais l'impression que tout allait se rouvrir et qu'un flot de sang allait me gicler à la gueule. Le sang... J'ai toujours détesté ça. D'ailleurs, lorsque je me suis fait tabasser, ce n'est pas la douleur qui m'a fait m'évanouir mais bien la vue de mon propre sang. J'aurai pu en vomir si je ne gisais déjà pas inerte sur le sol...

            Il me reste 23 mois à tenir. 698 putains de jours...!

 

_____________

J'ai entendu dire que le gardien John Mitchel fait passer des médocs...

Il y a de l'héro à profusion ici et y'a des idiot qui se chouttent aux médocs...?

Ils veulent se suicider ou quoi ?!

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14 avril 2013 7 14 /04 /avril /2013 11:44

- Préambule -

 

            Tout est blanc autour de moi. Normal, je suis en ce moment même dans un lit à l'infirmerie.

            Sur la chaise à côté de moi, mon compagnon de cellule cause depuis dix minutes. Je n'écoute pas. Sa voix grave ricoche dans mes tympans mais ça ne me fait pas réagir plus que ça. De toute façon même sans écouter je sais parfaitement ce qu'il est en train de me dire : c'est le même refrain depuis que je suis arrivé, ça fait un mois environ.

            J'ai arrêté de compter les jours, ils se ressemblent tous... Sauf aujourd'hui.

            Je ne sais pas quelle date on est exactement mais je pense que ce souvenir me restera à jamais en mémoire... Mais ce n'est pas la raison pour laquelle je suis à l'infirmerie. Ça mon esprit a déjà commencé à l'oublier...

            Dans le lit en face du mien, un type aux cheveux longs qui lui cache à moitié le regard me fixe sans presque ciller. On dirait un chien battu... Abattu même, tant son regard n'exprime absolument rien. Mais ce n'est pas ça qui me choque, à dire vrai je dois avoir le même regard...

            De part et d'autre de ses lèvres s'étirent deux cicatrices dont on voit encore la trace des fils qui ont rassemblé les chairs le temps de leur cicatrisation... Ce mec a un sourire d'ange qui me fous royalement les jetons... Mais qui a pu lui faire ça...?

            J'en ai entendu des choses, depuis que je suis ici... Mais ça... Jamais je n'aurais pu l'imaginer.

            Moi qui vient de me faire tabasser, je remercie tous les dieux du ciel de ne pas avoir subit ce genre de mutilation. Même si une côte cassée fait encore plus mal que ce qu'on m'avait raconté. Je peux à peine respirer, l'impression d'être un petit vieux au bord de l'agonie.

            Mes yeux ne veulent pas se détacher de ce visage mutilé et d'affreuses images m'envahissent alors que je ne peux m'empêcher d'imaginer les plaies ouvertes, sanguinolente et la douleur qu'a dut ressentir ce type... Mais le pire est que j'imagine la manière dont ils lui ont fait ça...

            Un sourire d'ange... Il faut donner deux petits coups de lame aux commissures des lèvres puis forcer la personne à rire pour que ça se fende tout seul... Ou crier, mais j'imagine que pour celui qui fait subir ça, ça doit être plus "amusant" de faire rire sa victime.

            Mon Dieu... Comment ce genre de chose peut-il exister...? Quel autre genre de torture vais-je donc découvrir ici...? Je ne veux pas que ça m'arrive... Pas moi, je n'ai rien fait !

            J'ai juste voulu aider ma famille et je me retrouve coincé ici.

            On dit que la prison forge le caractère. Pour ma part, j'espère juste sortir d'ici indemne... Je commence à avoir peur.

            Tant que Demba sera là, je pense que tout ira bien... Je vais suivre ses conseils, je veux rester entier... Apprendre rapidement à ses côtés alors qu'il ne lui reste plus que deux mois à passer ici.

 

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