-IX-
« Last blurs »
Assit autour de la grande table en plein milieu de la salle à manger de ses amis, JB ruminait ses aventures. Sa drôle d’épopée avec Xavier l’avait particulièrement chamboulé et pas mal retourné l’esprit. Comme si toutes ses acquisitions venaient d’être remises en questions. En faite, il avait l’impression de comprendre pourquoi le jeune homme se droguait sans pour autant pouvoir l’expliquer correctement.
Il avait bien entendu tout raconté à Manu et Marc, le secret à propos de Lucy tout comme ce qu’il avait apprit des autres gamins de sa classe avec l’hommage scénique et surtout son étrange entrevue avec Xavier et son fantôme.
La réaction du plus vieux ne s’était pas fait longtemps attendre.
- T’es pas sérieux Jean-Baptiste là ? Avait réagit Marc presque au quart de tour Tu es face à un directeur qui est laxiste, je dirais même carrément en délit de non assistance à personne en danger et toi, tu fais rien de plus ? Mais il faut que tu en parles à ses parents ! renchérissait Marc, affichant une mine grave
Fixant tout d’abord le brun, JB se tourna vers son compagnon.
- Il faut le calmer là ton mec Manu… siffla-t-il entre ses dents, plutôt atteint par les paroles de Marc
- Quoi ? Parce que maintenant la vérité n’est pas recevable ?
- Daddy, pourquoi papa il énervé… ? se fit entendre soudainement la fluette voix de Camille qui était apparue à côté de Manu, lui tirant la manche alors que le repas était finit et qu’elle était censée jouer au salon
Les trois hommes se retournèrent donc vers la fillette et le blond la prit par les épaules. Ça lui faisait toujours chaud au cœur que la petite fille l’appelle comme ça. C’était devenu habituel depuis quelques années maintenant mais pour Manu, c’était surtout plus qu’une promesse, une reconnaissance de Camille comme faisant parti entièrement de sa vie. Mattéo n’avait quant à lui pas du tout prit cette habitude et l’appelait par son prénom mais il était plus vieux et de toute façon, leur relation était tout aussi proche.
Regardant son père, la fillette avait enfourné son pouce dans sa bouche et la fatigue commençait à se lire sur son visage. Regardant à son tour son compagnon, Manu voulut prendre la parole mais JB la lui coupa.
- Attends, t’as bon dos de dire ça ! Toi qui te soule la gueule tout les soirs au whisky devant tes gosses !
Manu, tombant des nues réagit tout de même rapidement, plaquant ses mains sur les oreilles de Camille alors que Marc se levait d’un bloc, faisant racler la chaise au sol, jetant un regard des plus noirs à Jean-Baptiste.
- Et toi tu ne manque pas d’air de remettre des choses terminées depuis des années sur le tapis surtout que tu es très bien placé pour savoir que c’est totalement faux ! Arrête de te chercher des excuses Jean-Baptiste et assume tes conneries ! Parce que oui, t’es en train de faire une grosse connerie ! T’as beau en avoir le prénom, tu n’es pas un saint ! Ne crois pas que tu vas seul réussir à le sortir de là ! Tu n’as absolument aucune autorité sur ce gamin d’après ce que j’ai pu comprendre alors arrête de rêver et redescend sur terre !
Un autre bruit de chaise qui racle se fit entendre et Manu se leva à sont tour, emportant la fillette dans ses bras.
- Stop, on se calme. Leur dit-il d’une voix légèrement courroucée mais sans crier. Je vais coucher la petite… ajouta-t-il avant de leur jeter un regard noir et tourner les talons pour monter à l’étage
Sur sa route, il croisa Mattéo qui était à l’encadrement de la porte et entendit très clairement le soupire qu’il poussa.
- Toi aussi tu montes. Lui-dit il, Mattéo levant les yeux vers lui Tu n’es pas obligé de te coucher tout de suite mais tu n’as pas à écouter ça. Ajouta-t-il avant de le prendre par l’épaule
Le jeune garçon, lança un regard condescendant à son père et à celui que sa petite sœur appelait « tonton » avant de suivre le blond et disparaître avec lui et sa sœur dans l’escalier. Marc et JB se retrouvant seul, le plus vieux se rassit et but une gorgée d’eau. L’autre ne l’avait pas quitté des yeux.
Se regardant en chien de faïence jusqu’à ce que Manu revienne, le blond lança un nouveau sujet de conversation et la soirée reprit dans la bonne humeur. Malheureusement, ou au contraire heureusement, ce genre d’altercation entre les deux bruns n’étaient absolument par rares. Marc trouvait toujours quelques choses à redire sur Jean-Baptiste, le grand rêveur et JB quant à lui, trouvait Marc parfois vraiment trop coincé. Mais, au final, les deux hommes avaient une relation de confiance, bien qu’atypique vu ce qu’il avait pu se produire par le passé, mais leur franc parlé et leur manque de tact synchrone leur permettait très étrangement de garder cette relation au beau fixe. Parce que justement, ils ne se voilaient jamais la face.
Manu était bien souvent le médiateur mais ses interventions ne duraient jamais très longtemps, faisant presque immédiatement revenir le calme. Le fait qu’il ne prenait jamais partie y était sûrement pour beaucoup et c’était tant mieux.
La soirée se finit donc dans la bonne humeur et JB rentra chez lui après une accolade avec ses deux amis.
- Hans ! rugissait la grosse voix de JB à travers tout l’amphithéâtre Cette fois, je ne laisse pas passer, tu auras beau te plaindre, tu n’as aucune excuse ! Collé deux heures et ce soir même ! Le proviseur enverra une lettre à ton père !
Le regard plus noir que jamais, Jean-Baptiste était campé sur ses deux jambe en plein milieu de l’estrade, les poings serrés sur ses hanches et fixait le jeune homme. Vraiment, là, c’était la goutte d’eau de trop… La semaine avait pourtant si bien commencée…
Depuis leur étrange entrevue et leur dialogue aux allures fantomatiques, Xavier s’était quelque peu réveillé. Même s’il n’intervenait pas, n’écrivait rien de ce que pouvait raconter JB, il ne le lâchait à présent plus du regard, semblant très attentif à ce qu’il pouvait raconter. Ça avait même fait sourire JB, repensant à ce que lui avait dit Marc quelques jours avant.
Bref, il y avait du progrès et le brun en était bien content. Mais en ce jour, alors qu’Hans s’était soudainement levé, téléphone en main, alors que la seconde d’avant, sa sonnerie rugissait dans toute la salle, le brun avait bien évidemment immédiatement reprit le garçon qui tranquillement avait commencé à se diriger vers la sortie, parlant fort et sans gène à son interlocuteur. Mais le jeune homme avait renvoyé balader JB d’un signe de la main, « cause toujours, tu m’intéresses » et avait poursuivit sa route. La voix du grand brun avait tonné une première fois, sommant à Hans de s’arrêter. C’était la première fois que JB parlait sur ce ton, sa grosse voix tonnant à travers toute la salle, faisant se lever absolument tous les regards vers lui.
Le chevelu s’était donc arrêté net et comme ses camarades, s’était mis à regarder son professeur d’un air presque interdit. A croire qu’il tombait des nues, comme s’il pensait avoir l’immunité totale alors qu’il avait toujours titillé son professeur sans jamais être véritablement récriminé. Mais il fallait bien qu’il se rende maintenant à l’évidence que Jean-Baptiste n’avait rien d’une bonne poire. Au contraire, il s’était montré très patient et très pédagogue avec ce gamin pourri gâté qui commençait même à l’énerver par sa simple présence.
Ayant quitté l’estrade, Jean-Baptiste s’était mit à gravir les marches de l’amphy alors qu’Hans restait interdit tout en haut. On pouvait entendre à demi-mot les paroles de son interlocuteur. Arrivé à son niveau, JB lui avait prit son portable et l’avait éteint.
- Confisqué jusqu’à nouvel ordre. Avait-il dit d’une voix toujours aussi froide, rangeant l’objet dans sa poche Et ne me dis pas que je n’ai pas le droit de faire ça alors que tu sais parfaitement que si. Maintenant retourne à ta place.
Regardant encore quelques instants son professeur, Hans finit par cligner des yeux et commencer à redescendre les marches, fourrant ses mains dans ses poches. Mais une paroles siffla soudainement à l’oreille de JB.
Sentant la colère monter en lui, le grand brun avait rattrapé son élève, saisit par le bras et fait brusquement se retourner.
- Hans ! Cette fois, je ne laisse pas passer, tu auras beau te plaindre, tu n’as aucune excuse ! Collé deux heures et ce soir même ! Le proviseur enverra une lettre à ton père !
Une rumeur s’éleva alors dans la salle alors que les élèves s’étaient mit à chuchoter. JB entendu très distinctement l’élève le plus proche d’eux dire à son voisin « putain, t’as entendu ? Han l’a traité de connard… ! »
Fixant toujours le jeune homme d’un regard d’acier, il le poussa un peu, le forçant à reprendre sa route et, lui tenant toujours le bras comme à un gamin qui a fait une bêtise et qu’on veut isoler, le fit se rasseoir à sa place. Lui jetant un dernier regard noir, il retourna à la sienne et reprit son cours, non sans surveiller Hans du coin de l’œil. Mais le jeune homme n’ajouta rien, se contentant de fixer son professeur, le regard plus dédaigneux que jamais. Lorsque sonna la fin du cours, et la fin de la journée, Hans ne bougea pas de son siège, attendant certainement que JB lui parle ou vienne à lui.
Rangeant tranquillement ses affaires, JB mit sa sacoche à l’épaule et, regardant enfin le jeune homme alors qu’il n’y avait plus qu’eux dans la salle, il monta à sa hauteur et posa son cul sur la tablette en dessous de celle du jeune homme.
- J’peux savoir ce qu’il se passe dans ton petit crâne d’œuf Hans… ? fit JB sans préambule, fixant son élève
Le regard courroucé d’Hans se mut soudainement en surprise.
- Tu dois vraiment être malheureux dans ta vie pour être aussi infecte avec tous le monde… ajouta-t-il d’une voix parfaitement neutre, sondant le regard gris clair d’Hans Tout dans ton attitude, même ton look déjanté par rapport aux BCBG de cette classe est signe de rejet total. Et ne me dis pas le contraire. Je t’ai très bien cerné Hans, malgré le fait que j’ai encore beaucoup de question à ton sujet mais j’aimerais que tu comprennes une bonne fois pour toute que je ne suis pas ton ennemi… Sérieusement, parlons d’égal à égal, oublies quelques minutes que je suis ton professeur et expliques moi ton problème.
- Quoi, vous vous prenez pour un psychologue scolaire… ? répondit Hans, croisant ses bras sur sa poitrine, le regardant de nouveau avec froideur
- Non, pour le saint baptiseur, comme un autre élève me l’a si bien fait remarqué… fit JB du tac-o-tac, ne se laissant pas démonter le moins du monde, le fixant toujours aussi impartialement C’est quoi ton problème au juste… ? J’aimerais vraiment savoir comme ça se fait que tu es aussi con alors que t’es un gamin intelligent, plein de ressources et avec un avenir prometteur… Ton regard de dédain sur tout le monde, ton attitude d’emmerdeur et plus encore, ta vive et constante bataille avec Alisson et Valentino… Vous étiez amis avant, n’est-ce pas… ? Qu’est-ce qu’il c’est passé… ? ajouta-t-il plus doucement
- … Rien qui ne vous regarde… répondit Hans, baissant un peu les yeux
- Arrêtes, tu ne me la fait pas à moi. Explique, raconte, ne fait pas l’enfant, je suis certain que d’une ça va te soulager, mais qu’en vérité, tu n’attends que ça… Je ne suis pas l’enfoiré, ni le connard, que tu penses que je suis. Je sais garder un secret…
Battement de cils, Hans le regarde à nouveau.
- Mais putain, vous me faite chier ! hurla soudainement le garçon Donnez moi ce que j’ai a faire, qu’on en finisse avec cette colle !
- Ton travail est de me parler Hans. Répondit calmement JB sans ciller Et crois moi, tu va parler. Sinon je te colle tous les soirs jusqu’à ce que tu crache le morceau. Je le ferais. Ajouta-t-il le fixant toujours
Cillant de nouveau, Hans se redressa un peu contre son dossier, un semblant de rictus sur les lèvres.
- … Vous ne pouvez pas comprendre… murmura-t-il
- Peut-être… Ou peut-être que non. Répondit le brun En tout cas, je peux tout entendre. Et crois-moi, après l’histoire de Lucy, je suis préparé à tout et n’importe quoi.
Et là, ce fut comme si un fantôme était passé entre eux mais que seul Hans avait vu. Un voile s’était matérialisé quelques secondes dans le regard du jeune homme. JB arque alors un sourcil, se redressant un peu.
- … Ne me dis pas que c’est en rapport avec elle… ? là, il tombait vraiment des nues
Hans renifla alors très distinctement, tournant le regard sur le côté.
- Qu’est-ce que ça peut vous foutre… murmura-t-il
- Mieux te comprendre et t’épauler. Parce que si c’est ce qui lui est arrivé qui te met dans pareils états, excuse moi de me prendre pour un saint, mais je pense sincèrement être le seul, mais aussi le mieux placé pour t’aider à le dépasser…
- … Lucy n’était rien… Pas pour la classe en tout cas… continua-t-il de murmurer, le regard toujours de côté … Mais pour moi… il déglutit … Elle était tout…
Clignant enfin des yeux, JB rajusta ses bras contre son torse.
- Vas y, continue… lui intima-t-il doucement
- … J’étais le seul… reprit-il après une pause … A pouvoir l’aider et la comprendre… renifle Mais cet enculé de Xavier à tout foutu en l’air… Mais, Alisson et Valentino, c’était les pires…
Le jeune homme marque une nouvelle pause et son regard gris revînt finalement sur son professeur qui y lu alors une profonde tristesse mais aussi, et surtout, une colère sans nom.
- Un bien joli duo de salopards si vous voulez tout savoir. Reprit-il, son regard dédaigneux de retour Et Alisson… Tout ça, c’est à cause d’elle… Lucy, elle n’était que la victime, alors qu’avant ça, elle était pure, elle était vraie, entière… Elle était tout ce que je voulais, tout ce que j’espérais… Bien que j’ai toujours su que je ne l’aurais jamais, je m’en satisfaisais, parce qu’elle rayonnait et que ça me rendait heureux… Parce que j’étais à ses côtés, parce que j’étais son ami et que ça me suffisait… Mais Lucy, elle n’était pas comme nous. Elle n’était pas aussi forte que nous… Pourtant, c’était la meilleure. La plus talentueuse. Une des meilleures élève de ce bahut et ce depuis qu’il a été fondé. Mais tout ça, toute cette pression, elle ne nous en parlait jamais… Et cette petite tapette… le ton recommença soudainement à monter à mesure qu’Hans se redressait sur son banc Cet enculé de Xavier, il l’a suivit ! Il l’a suivit et elle a encore plus plongé ! Avec ses problèmes à deux balles ! Pas capable d’assumer qu’il n’est qu’un petit pédé qui aime se faire mettre ! Fils à papa, ayant déjà un contrat de fin d’étude, il a cru que ses petits soucis étaient au dessus de ceux de Lucy !
Totalement interdit face aux paroles du jeune homme, Jean-Baptiste affichait une mine effarée mais aussi peinée à l’écoute d’Hans. En définitive, ça semblait presque pire, et à la fois beaucoup plus simple que ce qu’il s’était imaginé…
Repensant alors à la chanson qu’Hans avait interprétée en hommage à Lucy, il ne fut finalement pas si étonné que ça de comprendre qu’il avait visé juste. Cette chanson, ces paroles, ont été spécialement écrite pour la jeune fille. Elle n’était que le reflet des sentiments d’Hans… Les performances d’Alisson et Valentino lui revinrent aussi à l’esprit et, sans étonnement non plus, de nouvelles questions le traversèrent. Le secret ne faisait que s’étoffer de plus en plus.
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Je ne comprends plus rien Lucy…
Tout est de ma faute.